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Felix | Ross

J’appelle ton nom.


Le matin, en me réveillant, je me rends compte que tu n’es plus là. Pourtant, il y a quelques instants, tu devais bien respirer dans ton sommeil juste à côté de moi. Les draps sont encore chauds. Les plis qu’ils forment sont toujours là, tels que ton corps les a laissés.
À moins que… se pourrait-il que tu sois parti depuis longtemps déjà ? Et si tu n’étais qu’un fantôme de ma création ? Peut-être qu’on ne s’est jamais rencontrés, après tout. Peut-être que tout ça n’était qu’un rêve.
Dans ce cas, toutes ces choses autour de moi, qui me ramènent à toi… quelle est donc leur nature ?

 

Depuis la fenêtre de cette pièce, je vois un panneau d’affichage. Différentes images apparaissent et disparaissent entre les immeubles de la forêt de gratte-ciel : parfois de la bière, parfois du chocolat, une voiture, ou encore le visage d’une femme.
« Si je pouvais acheter ce panneau… » avais-tu dit dans un murmure. « Je supprimerai toutes ces images et je le laisserai vierge. »   

Et moi de te répondre : « Alors, je ferai voler un oiseau au-dessus de ce panneau publicitaire blanc. »
 

Nous étions tous les deux, assis côte à côte dans nos fauteuils près de la fenêtre, à suivre l’image d’un oiseau s’envolant dans un morceau de ciel blanc entre les buildings. Ce volatile que ton œil intérieur considérait était bien celui que j’avais lâché. Oui, nous regardions le même oiseau. La forme de ses ailes fragiles.
Ta main droite se fondait dans ma main gauche — c’est ce que je ressentais. Mais peut-être que ce n’était que ma main droite prise dans ma main gauche.

« Si mon corps était une masse de bonbons… » avais-tu cette fois marmonné. « Un par un, quelqu’un les prendrait, les porterait à sa bouche, et un beau jour, voilà que je disparaîtrais sans laisser de trace. Ce que je porte, ce sont des emballages de bonbons : destinés à être réduits et enroulés dans une main quelconque, puis jetés sur le trottoir. »

Et moi de te répondre : « Alors, je décorerai ces emballages d’or et d’argent stellaires. Puis je les teindrai de couleurs comme on en voit dans les champs de fleurs. »
Nous avions défait l’emballage argenté, nous étions emparés du bonbon et l’avions pris en bouche. Son goût de cerise bon marché s’était répandu sur nos langues. J’avais écrit ton nom sur l’emballage scintillant avec un feutre indélébile. Pour me souvenir de toi. À moins que j’écrivais là mon propre nom.

 

Tu étais une affiche vierge. La pièce finale d’un puzzle qui ne serait jamais terminé. Une ampoule dans ses derniers clignotements avant extinction des feux. Une ombre flottant derrière un rideau.
Tu n’appartenais pas à mon monde. À ne nous être jamais rencontrés, nous ne nous sommes ainsi jamais quittés.

Ton nom, c’est l’absence.
Ce nom, à jamais légué à ma mémoire, je le prononce.
Comme une voix muette récitant un poème secret et plaintif.

 

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